Imaginez un voilier glissant paisiblement sur les flots, quelque part au large de Lisbonne. Soudain, un aileron fend la surface. Une orque. Puis deux. Puis trois. En quelques instants, ce qui ressemblait Ă une simple curiositĂ© animale devient une situation critique : les cĂ©tacĂ©s heurtent la coque, sâattaquent au gouvernail, et le navire finit par sombrer. Neuf personnes seront Ă©vacuĂ©es in extremis. Une scĂšne spectaculaire⊠mais de plus en plus frĂ©quente.
đ Un comportement nouveau⊠ou pas ?
Depuis 2020, on recense plus de 800 « interactions » entre orques et bateaux, de Gibraltar jusquâau sud de la Bretagne. Les tĂ©moins parlent souvent d’attaques. Pourtant, pour les spĂ©cialistes, le terme est Ă nuancer.
Selon Thomas Le Coz, capitaine de Sea Shepherd France, qui observe ces orques depuis plusieurs annĂ©es, il ne sâagit pas dâagressivitĂ©. « Câest un comportement de jeu », affirme-t-il. « On a observĂ© ce type de comportement ailleurs dans le monde. Ce qui est nouveau ici, câest lâintensitĂ© du jeu⊠qui peut aller jusquâĂ dĂ©truire un bateau. »
đź Des orques « joueurs »⊠mais dangereux
Ă lâorigine de ces Ă©vĂ©nements, un groupe bien prĂ©cis : une trentaine dâorques qui auraient dĂ©veloppĂ© un comportement ciblĂ© envers les safrans, cette partie immergĂ©e du gouvernail. Difficile de dire pourquoi : curiositĂ©, apprentissage social, ou simple passe-temps devenu obsession.
« Ils se sont passĂ© l’info dans leur groupe », explique Olivier Adam, bioacousticien Ă la Sorbonne UniversitĂ©. DĂšs quâun bateau apparaĂźt, ils semblent vouloir « jouer » avec ses appendices, parfois jusquâĂ les casser.
Ce comportement a été observé aussi bien sur des voiliers que sur de petits bateaux à moteur. Dans certains cas, comme cet été prÚs des cÎtes basques, les cétacés ont endommagé le gouvernail au point de rendre la navigation impossible.
â ïž Comment rĂ©agir face Ă ces rencontres ?
Bien que spectaculaires, ces interactions restent rares au regard du nombre de navires qui traversent la zone chaque annĂ©e. NĂ©anmoins, les autoritĂ©s maritimes ont pris lâaffaire au sĂ©rieux.
La recommandation officielle : naviguer prĂšs des cĂŽtes, Ă des profondeurs infĂ©rieures Ă 20 mĂštres, oĂč les orques sâaventurent rarement.
En cas de rencontre :
- Réduisez la vitesse,
- Ăvitez les manĆuvres brusques,
- Coupez le pilote automatique si possible,
- Prévenez les autorités via le canal VHF.
đ§ Entre fascination et inquiĂ©tude
Ces Ă©vĂ©nements soulĂšvent des questions passionnantes sur lâintelligence des orques et leur capacitĂ© Ă transmettre des comportements au sein dâun groupe. Ils montrent aussi Ă quel point la cohabitation entre humains et faune marine peut ĂȘtre complexe.
Faut-il craindre ces cĂ©tacĂ©s ? Non. Mais il est essentiel de comprendre ce qui motive leurs comportements pour mieux sây adapter â et continuer Ă naviguer en paix, sans perdre de vue que, dans leur monde, nous sommes les visiteurs.