À Ezhou, près de Wuhan, dans le centre de la Chine, une structure démesurée attire l’attention : une tour de 26 étages, sans fenêtres ni balcons… mais peuplée de porcs. Oui, vous avez bien lu : cette « tour à cochons », l’une des plus grandes du pays, abrite près de 260 000 animaux. Bienvenue dans l’ère de l’élevage vertical.
Des cochons en ascenseur
Quand on lève les yeux vers cet immense immeuble, on s’attendrait à y voir des bureaux ou des logements. Pourtant, étage après étage, ce sont 10 000 cochons qui vivent, mangent et grossissent dans des conditions ultra-contrôlées. Des ascenseurs géants les transportent entre les niveaux, du sevrage à l’abattage, dans un circuit fermé presque entièrement automatisé.
13 000 tonnes d’aliments sont distribuées chaque jour pour nourrir les pensionnaires. Le tout est géré depuis une salle de contrôle bardée d’écrans, où chaque cochon est suivi en temps réel, du poids à la température ambiante.
L’élevage vertical : une réponse à la pression démographique ?
Avec 1,4 milliard d’habitants à nourrir et des surfaces agricoles limitées, la Chine explore de nouvelles formes de production. La tour d’Ezhou se présente comme une vitrine de l’agriculture du futur : gain d’espace, meilleure gestion des maladies, réduction des déplacements et automatisation des soins.
Ce modèle attire de plus en plus d’éleveurs venus de tout le pays. Lors d’un colloque sur place, il était question d’efficacité, de rentabilité, mais aussi d’un mot-clé : biosécurité. Après les épidémies de grippe porcine africaine, le pays veut des élevages plus sûrs et plus isolés des risques extérieurs.
Un confort animal en question
Mais derrière cette prouesse technique, les questions éthiques et écologiques ne manquent pas. Peut-on parler de bien-être animal dans un bâtiment de béton, où les cochons ne verront jamais la lumière du jour ni ne sentiront la terre sous leurs pattes ?
Le contrôle absolu de l’environnement permet d’éviter certaines souffrances physiques, mais l’absence totale de stimulation naturelle, de liberté de mouvement, et de contacts sociaux non contraints interroge. En somme : tout est propre, mais tout est artificiel.
Une logique industrielle poussée à l’extrême
L’élevage vertical incarne un modèle de production hyper-optimisé, où l’animal devient presque un rouage d’usine. À quel prix pour sa sensibilité, son intelligence, sa capacité à ressentir ?
Des associations de protection animale dénoncent depuis des années les effets de ce type d’élevage intensif : stress chronique, troubles du comportement, absence de bien-être minimal. Mais en Chine, ces questions restent encore très marginales dans le débat public.
En résumé
La tour à cochons d’Ezhou fascine autant qu’elle dérange. Performance technique ou dystopie industrielle ? L’élevage vertical reflète notre rapport de plus en plus distant à l’animal, réduit à une donnée de production. Alors que le monde cherche des solutions pour nourrir sa population, il devient plus que jamais essentiel de réfléchir à comment nous produisons, pas seulement combien.